Muni des paramètres économiques jusqu’au troisième trimestre et des permis jusqu’en juillet, nous sommes en mesure de porter un regard prudent sur l’année 2017. On assiste à une reprise de l’économie européenne. Ce regain de croissance est moins visible en Belgique, ce qui est logique étant donné que nous avons su maintenir notre niveau durant la crise. Mais nous marquons des points pour la réduction de la dette publique.
Il y a toutefois des ombres au tableau. Essencia, notre partenaire en données et études de marché au sein du secteur de la construction, signale ici et là des zones plus sombres. Le nombre élevé de dépôts de bilan et la prévision d’une hausse des taux d’intérêt en constituent des exemples.
Au sein du secteur résidentiel, les chiffres favorables relatifs aux nouvelles constructions sont encore la conséquence des permis supplémentaires accordés suite à l’adaptation du niveau E (EW). On constate cependant une baisse de 17% de permis pour les unités résidentielles par rapport à l’année dernière.

Prévisions de permis
En ce qui concerne la livraison d’habitations pour 2018, les prévisions demeurent négatives, à savoir
-5%. Ceci sur la base d’un équilibre dans les permis au cours de la seconde moitié de 2017, et d’un taux d’abandon normal. 2019 connaitra à nouveau une forte croissance, suite à un renforcement du niveau E et à l’introduction du niveau S, pour lequel Essencia prévoit déjà une croissance exponentielle de permis pour le début 2018.
Le niveau S est un paramètre global qui évalue à degré égal toutes les qualités de l’enveloppe d’un bâtiment. Ce niveau remplace le niveau K et les besoins énergétiques nets. Pour les permis demandés à partir de janvier 2018, les exigences du niveau K ne seront plus applicables. Elles seront substituées par un niveau S, commençant avec un S31 pour atteindre un S28 en 2020.
Durant de telles périodes de changement, nous constatons un rapport différent entre le type d’habitation et le type de demandeur dans les permis de construire. Une tendance se dessine selon laquelle les entreprises et les promoteurs l’anticipent et vont soumettre des demandes à un rythme accéléré.
Source : ‘PreviewConstruct, Nov-Dec 2017, Essencia bvba.
Nouvelles constructions 5.000€ plus chères…mais est-ce là le vrai problème?!
Éditorial de Bieke Gepts
(responsable et chercheur chez Essencia, bureau de marketing spécialisé dans le secteur de la construction)
On peut encore se demander si le renforcement des normes énergétiques constitue le meilleur moyen d’atteindre les objectifs.
Que nous devions construire en épargnant de l’énergie n’est plus objet de discussion. Que nous puissions construire des habitations à faible consommation d’énergie est aussi un fait. Mais dans ce cas, le droit de construire se déplacera davantage vers les professionnels qui, avec leur approche en série, sont en mesure de construire plus efficacement et par conséquent moins cher. Mais un durcissement entraine toujours des frais supplémentaires. Quelle que soit l’efficacité du processus de construction. L’acquisition d’une nouvelle construction deviendra dès lors inaccessible pour un certain groupe de personnes. Alors que faire dans un tel cas?
Notre politique de l’habitat est en pleine mutation. Le basculement de la nouvelle construction à la rénovation en fournit un exemple parlant. Des jeunes familles ou des personnes pour qui une nouvelle construction s’avère inabordable, achètent (et souvent trop cher) une maison ancienne avec leurs derniers euros. Leur idée étant de rénover progressivement la maison conformément à leurs rêves et peut-être aussi aux normes d’énergie actuelles. Mais cela prend du temps. Pour de nombreux projets de construction, on constate souvent la même histoire: entre l’OSB ou les cloisons en plâtre se retrouve une poupée Barbie égarée ou un autre jouet, tandis que les enfants se réjouissent d’avoir leur propre chambre et ne veulent plus être entassés avec toute la famille dans les 3 pièces provisoirement aménagées parce que le salon, entièrement vidé, est encore en travaux…
La femme s’écrie: Au secours, mon mari est bricoleur ?! Non, au contraire. Et on s’épuise à la tâche: durant la journée au travail, le soir après le travail et pendant les weekends, des journées entières. Le processus entier dure plusieurs années. Car le rythme des rénovations est déterminé par les finances, le temps et … l’envie de continuer.
Ainsi, si nous souhaitons nous fixer l’objectif d’une politique du logement avec des dépenses d’énergie plus faibles, nous devons considérer les moyens qui nous permettent de concrétiser ce but. De nouvelles constructions plus onéreuses entrainent davantage de rénovations, et plus de la moitié de ces rénovations peuvent prendre de 3 à 10 ans. Et il reste encore à savoir quel niveau E sera visé et finalement atteint par les habitants. Nous devons par ailleurs aussi oser considérer les familles qui, justement en raison du prix de revient, sont acculées vers des habitations ‘consommatrices d’énergie’. Ainsi, au lieu d’augmenter le prix de revient des nouvelles constructions, ces dernières devraient être plus efficaces et moins coûteuses sur le plan énergétique afin d’être précisément plus accessibles pour ces personnes. Car qu’il s’agisse de 5.000 € ou de 3.000 € ou de toutes sortes de frais supplémentaires, ce n’est pas là le vrai problème. Il faut surtout veiller à ce que les nouvelles constructions ne soient davantage encore inaccessibles.